Natacha Seigneuret, créative avant Promising

Présentation Innovation pédagogique
le  27 avril 2018
Natacha Seigneuret
Natacha Seigneuret - 2018 - Promising
Après une vie professionnelle bien remplie, Natacha Seigneuret est venue enseigner à l’Ensag puis au sein de l’Institut d’urbanisme de Grenoble. Elle a, avant même que Promising n’existe, intégré des phases créatives dans ses ateliers.
Natacha Seigneuret est une femme de terrain. Avant de devenir enseignante à mi-temps en 1996, elle a déployé ses talents pour différentes collectivités comme la Ville de Grenoble, le Département de la Drôme ou encore l’Agence d’urbanisme de l’agglomération valentinoise. Et durant toutes ces années, sans même le conceptualiser, elle a fait œuvre de créativité au service de ses missions professionnelles.

«J’ai rencontré des publics divers, et cela impose une grande inventivité dans le discours», précise-t-elle. Dans le cas de projets urbains comme la construction de la gare TGV de Valence, elle a dû mettre en œuvre sa créativité lors de réunions plus ou moins houleuses entre agriculteurs, habitants, industriels ou PME. «On s’en souvient peu, mais il y a eu beaucoup de contestation face à ce projet», rappelle Natacha Seigneuret.

Dans une réunion publique peu apaisée, «il faut réussir à réunir les énergies autour de la table — pas forcément positives — et les faire converger.» Ces expériences, aussi fatigantes et exigeantes qu’elles soient, ont formées l’urbaniste et l’architecte.


Ses débuts dans le Master Management de l'Innovation

Les personnes qui ne savent pas réaliser des productions manuelles peuvent néanmoins s’exprimer par l’image, le collage et utiliser la relation entre leur cerveau et leurs mains. C’est ce point qui est, pour moi, extrêmement positif.

Après ces différents postes, elle se décide à intégrer l’Ensag en 1996 (Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble) puis l’Institut d’urbanisme en 2000. «J’avais envie de partager mes expériences avec les étudiants depuis longtemps. 17 ans de vie professionnelle ont fait évoluer ses aspirations. Désormais, elle préfère «laisser l’urbanisme opérationnel. Pour terminer ma carrière, je préfère travailler avec des étudiants et sur mes recherches. Je dispose d’une plus grande liberté intellectuelle", achève-t-elle.

Finalement, son chemin croise celui de Promising. « Il y a 4 ans, la communauté des enseignants Promising était en construction. Valérie Chanal, l’initiatrice du programme, a rencontré des enseignants des différentes composantes, pour comprendre ce qui se passait sur le plan de la créativité."
Le premier entretien motive les deux parties. « En discutant, l’on s’est rendu compte que j’avais éventuellement la capacité de coordonner des ateliers et des projets", assure Natacha qui commence d’abord à proposer des séances de dessins aux étudiants du master management de l’innovation de Grenoble IAE.
"Au tout début, il s’agissait de voir comment ce master pouvait faire l’objet de différents types d’enseignements, autour de la question de créativité "
, explique-t-elle. Natacha Seigneuret est alors face à des étudiants qui, dans leur majorité, n’ont jamais dessiné, et se considèrent comme peu créatifs. "Nous avons commencé à aborder le thème des déchets pour Suez Environnement dans le cadre du Labo des Possibles®. Je leur ai proposé de travailler sur la représentation graphique de ce sujet, soit en dessinant, soit en utilisant les collages. Les étudiants devaient également créer leur musée personnel en cherchant à associer différentes œuvres contemporaines ou non. Ils pouvaient ainsi proposer des associations d’images afin de parler du thème de l’atelier". Ces techniques servent de support de discussion dans les ateliers de projets comme dans les séminaires de recherche. "Les personnes qui ne savent pas réaliser des productions manuelles peuvent néanmoins s’exprimer par l’image, le collage et utiliser la relation entre leur cerveau et leurs mains. C’est ce point qui est, pour moi, extrêmement positif."

La créativité passe aussi par le corps

Après ces premières expérimentations, Natacha Seigneuret va suivre la formation de Promising, et approfondir ses connaissances, afin de les intégrer dans un cadre défini d’enseignement et de recherche.

L’ingénieur de recherche, qui adore décaler le cadre, va surtout beaucoup pratiquer la créativité avec ses étudiants, comme avec l’exercice « Mesurer avec le corps ». "Il s’agit de penser et de comprendre les espaces avec son corps et non avec sa tête", abonde Natacha Seigneuret qui s’intéresse là, "à l’analyse émotionnelle et sensorielle qui permet à l’organisme de se préparer à l’action, en s’orientant vers une réponse rapide, innée ou acquise." Exit la réflexion donc. Partis à l’aventure dans les quartiers grenoblois, les élèves se contorsionnent, se lient les uns aux autres ou rentrent "pile-poil" dans le mobilier urbain. "La mesure de l’espace par le corps permet une prise de conscience par les étudiants de leur vécu émotionnel de ces espaces", poursuit-elle.

La créativité au service du projet urbain

Natacha Seigneuret
Plus récemment, Natacha Seigneuret a mis en œuvre des exercices de créativité avec ses étudiants, dans le cadre d’une commande de la Ville de Grenoble. Ici, elle intègre et utilise plusieurs outils. L’un d’entre eux, les personae, paraît idéal pour ses étudiants en urbanisme. C’est d’ailleurs une technique qu’elle appliquait déjà sans le formaliser.

"En urbanisme, une des premières actions a réaliser lorsqu’on travaille sur un projet, c’est d’aller sur le terrain. Mais avant cela, je demande à mes élèves de se choisir des personae. C’est-à-dire qu’ils doivent endosser un personnage". Ainsi, un étudiant jouera le rôle de l’enfant de 4 ans, un autre celui de la personne âgée, ou handicapée, ceci afin d’appréhender les différents usagers de la ville.

D’autres outils pertinents, comme les génies créatifs de Philippe Brasseur, reçoivent ses faveurs. Là, il s’agit de s’intéresser à la démarche d’un génie de l’humanité (Copernic, Léonard de Vinci, Picasso). Natacha Seigneuret s’explique : "Parfois, des étudiants me disent qu’ils ne se sentent pas créatifs. Mais tout le monde l’est. Pour faciliter la tâche, je leur donne la fiche d’un créateur. Par équipe de 4 ou 5, ils s’interrogent sur leur territoire de projet, à la manière d’un de ces génies".

Ainsi, les étudiants utilisant la fiche de Copernic doivent penser à l’envers et inverser toutes les questions qu’ils se posent. La fiche sur Martin Luther King, les fait réfléchir sur leurs projets avec une échelle des idées : les idées « terre », « montagne » et « ciel ». Pour atteindre ce dernier, il est nécessaire de passer par des propositions basiques, les idées « terre », puis tenter de développer des idées « montagne », etc.



Ce processus permet, d’après Natacha Seigneuret, de libérer les étudiants qui s’expriment peu dans les débats et de leur permettre de partager leurs idées. "En effet, en architecture et en urbanisme, j’ai l’habitude d’enseigner à des étudiants qui montent en puissance sur un projet. Mais ils le font seuls." Or, grâce à ce jeu de rôle, l’on peut développer une créativité collaborative et inclusive. Elle conclut : "Avec ce jeu, les étudiants sont amenés à discuter entre eux. Et ils ne disent pas “cette idée paraît nulle”, mais plutôt “je n’aime pas trop l’idée de Socrate”."

Une créativité apaisée, en somme.

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Article rédigé par Charles Vonnils


Publié le  12 avril 2018
Mis à jour le  15 juin 2018