Start-up Moléculaire : un nouveau modèle de croissance

Conférence Innovation, Entreprise
le  18 mars 2019Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire
Jérôme Chifflet, responsable des disciplines scientifiques et techniques chez Orange
Jérôme Chifflet, responsable des disciplines scientifiques et techniques chez Orange
Quels modèles de croissance pour les start-ups high tech en Europe en 2019 ? Comment se développer en hyper-croissance dans un marché hyper-fragmenté ? La croissance organique a-t-elle encore un sens pour les start-ups dans les TIC ?
Jérôme Chifflet, le responsable des disciplines scientifiques et techniques chez Orange Labs Research, a développé un concept de croissance destiné aux start-ups du numérique sur le marché européen. Son principe : agréger deux ou plusieurs start-ups qui adressent le même marché qui peuvent être identiques ou complémentaires. Le rapprochement de leur produit ou service en crée un nouveau. L'avantage : croître rapidement et rester sous monopole en évitant la concurrence.
Retour sur la conférence du 4 mars 2019.


 

La croissance, une question de survie pour les start-up

Au cours des dernières années, les grandes entreprises ont compris que la croissance est un élément essentiel de succès mais n’est pas le seul. Afin de perdurer sur un marché il faut savoir se remettre en question très souvent. Être leader sur un marché aujourd’hui ne garantit en rien qu’on le sera l’année suivante. Comment résoudre cette exigence dans un contexte qui a changé ? Les grands groupes ont compris qu’il fallait travailler avec des start-up.

Selon Jérôme Chifflet, il est important de redéfinir ce qu’est une start-up. Sa définition a vraiment changé depuis les années 2000 où il suffisait d’avoir une bonne idée. Aujourd’hui une start-up est “une compagnie qui cherche un business model qui lui permet d’avoir une croissance durable”.

La croissance de l’entreprise est soumise, selon lui, à 4 contraintes :
  • le temps, une start-up doit vendre assez rapidement pour générer de la croissance,
  • l’extension géographique : les start-up se positionne de plus en plus sur le marché européen, elles ne se limitent pas à un seul pays,
  • l’abondance des TIC qui permet à chacun d’avoir accès à un maximum d’informations,
  • la conservation d’un monopole qui permet de ne pas avoir de concurrents.

Le monopole, une situation privilégiée pour les start-up

L’environnement économique a beaucoup évolué ces dernières années, avec notamment :
  • la réduction du coût de stockage,
  • le changement de mentalité des entrepreneurs,
  • l’explosion de l’accès à de l'accompagnement et aides financières,
  • l’apparition de nouveaux business model avec l’explosion des sites de rencontres de type P2P,
  • l'importance de la notion d'accès plutôt que de possession/propriété
  • l’apparition de technologies disruptives.

Pour qu’une start-up européenne grandisse et puisse rivaliser avec les entreprises américaines, il est nécessaire, selon Jérôme Chifflet, qu’elle se développe dans des situations particulièrement propices à la croissance, comme dans une situation de monopole.
Malheureusement, Jérôme Chifflet a constaté, lorsqu'il sillonnait l’Europe pour le compte de l’EIT qu'il y a un nombre incroyable de clones en Europe. On peut définir le clone d’une start-up comme une start-up se trouvant dans un pays étranger à la start-up d’origine mais qui a développé la même idée voir le même produit dans son propre pays. Alors, comment rester en vie dans cette environnement ?

Le concept de start-up moléculaire

Afin de répondre à ces problématiques financières, Jérôme Chifflet a donc élaboré son propre concept.

Ce dernier consiste à mettre en contact des start-up travaillant sur le même marché. Son idée est de réunir ces clones pour qu’elles travaillent ensemble dans leur croissance au lieu de se livrer une guerre des prix. Ce modèle est basé sur la métaphore de la molécule : plusieurs atomes se réunissent pour former une molécules, ces atomes étant forcément compatibles.
L’exemple de start-up moléculaire le plus parlant est celui de Blablacar. Frédéric Mazzela le fondateur de cette entreprise a bien compris que l’idée d’une application de covoiturage avait dû être exploitée dans d’autres pays d’Europe. Il trouve une start-up italienne et décide de la convaincre de fusionner. Il fait de même avec son clone allemand. Ainsi la molécule va croître petit à petit et ils vont réussir à lever 100 millions d’euros.

Ce modèle est particulièrement intéressant :
  • croissance exponentielle,
  • possibilité d'extension géographique,
  • protection car modèle plus complexe à copier.

Pour conclure, Jérôme Chifflet incite les futurs start-uppers à aller confronter leurs idées dans d'autres pays pour voir s'ils ne peuvent pas trouver leurs atomes...
 

Intervenant


Jérôme Chifflet, Orange Labs Research

Jérôme Chifflet
, né en 1956, titulaire d'un doctorat en mathématiques, il a été successivement chercheur, entrepreneur, manager. Il était jusqu'à 2015 responsable de l'activité « Access to Finance » pour l'Europe au sein de l'EIT Digital (Institut européen d'innovation et de technologie). Il possède une vaste expérience en recherche, comprenant plus de 20 ans à divers postes allant de directeur de laboratoire de recherche pour Orange à Directeur délégué de la Recherche pour le Groupe. Jérôme, qui a également fondé et dirigé Waidan en tant que PDG de 2000 à 2004, possède également une expertise importante dans le domaine de l'entrepreneuriat. Au cours des cinq dernières années chez EIT Digital, il a été directeur du développement pour la France avant d'être nommé responsable Europe de l'accès au financement des startups. Il est également membre de plusieurs comités d'investissement (Investissements PACA, Sophia Business Angels) et d'incubateurs (Incubateurs PACA –EST; Telecom Paris Tech). De plus, Jérôme a été également membre du conseil de recherche de Télécom Paris et membre du comité de rédaction de Telecom System, revue internationale des TIC depuis de nombreuses années. Il occupe actuellement le poste de responsable des disciplines scientifiques et techniques pour Orange Labs Research.

Recommandations de lecture et références :

  • The innovator’s solution : christensen, Clayton M. Christensen et Michael E. Raynor, 2003.
  • Matchmakers: The New Economics of Multisided Platforms, David S. Evans et Richard Hollis Day, 2016.
  • Zero to one, Peter Thiel, 2014.
  • Exponential Organizations, Salim Ismail, 2015.
  • Welcome to entrepreneur country, Julie Meyer, 2012.
  • The innovator’s dilemma, Clayton M. Christensen, 1997.
  • Technological revolutions and financial capital, Carlota Pérez, 2002.

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Date de la conférence : 4 mars 2019
Lieu : MSH Alpes


Article co-rédigé avec les étudiants du Master 2 Management de l'Innovation de Grenoble IAE.
 


 

Publié le  14 mars 2019
Mis à jour le  9 mai 2019