La posture de l’enseignant est-elle en train de changer ?

Conférence Innovation pédagogique
le  5 décembre 2019Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire
La posture de l'enseignant est-elle en train de changer ?
La posture de l'enseignant est-elle en train de changer ?
A l'occasion des rencontres #FormIDEX 2019, les enseignants formés à la créativité ont animé une table ronde sur la posture de l'enseignant dans le supérieur.

Les journées Form'IDEX ont eu lieu du 5 au 7 novembre 2019 et ont accueilli des experts internationaux ainsi que des porteurs de projets innovants. Ateliers, conférences et partages d'expériences ont rythmé ces trois jours intenses.

Retour sur la table-ronde organisée par notre programme avec l'intervention de Thierry Soubrié, maître de conférence en Sciences du Langage à l'UFR Llasic.

La posture de l’enseignant est-elle en train de changer ?

Le terme "posture" est une "notion de sens commun" (Lameul 2016, p. 137), de plus en plus utilisée tant dans le champ de la recherche que dans celui des pratiques.

Plusieurs auteurs s’accordent à dire que si ce terme "répond à un besoin d’exprimer quelque chose de particulier que d’autres mots ne savent traduire" (Lameul 2016, p. 137), son sens est loin d’être stabilisé, y compris à l’intérieur d’un même domaine ou d’un champ de recherche (Bucheton & Soulé, 2009 ; Lameul, 2008, 2016 ; Penloup, Chabanois, & Joannidès, 2011).

Quelle définition retenir ?

Une posture c’est tout d’abord une attitude, une façon de se tenir, de placer son corps (sens originel).

Mais c’est aussi, on en conviendra, une manière de penser.

Pour Geneviève Lameul, dont les travaux en sciences de l’éducation sur la notion de posture professionnelle occupent une place centrale dans ses recherches, une posture, c’est une manière singulière de penser et de faire (Lameul 2016, p. 7), une manière de relier l’intime et le geste professionnel (Lameul 2016, p. 145).

L’intime renvoie aux croyances conscientes et inconscientes (p. 143), "relatives à l’éducation, à l’apprentissage et à la vie qui se sont élaborées au cours de la biographie personnelle, incluant l’expérience scolaire" (p. 145).

Pour Acker-Kessler (2015), les croyances sont constituées des rapports que l’enseignant entretient "au monde et à la société, à lui-même en tant qu’individu et enseignant, à l’autre en tant qu’individu et apprenant, au métier et à l’institution, aux savoirs, à l’enseigner et à l’apprendre" (Lameul 2016, p. 144).

Toute la difficulté pour l’enseignant est d’articuler pensée et action, posture déclarée et posture incarnée, en cherchant si possible la plus grande congruence : "Sont alors en question les modalités de la traduction qui s’opère entre des mondes de nature et niveaux différents de même que les modes de passage de l’intime non-visible au visible exprimé dans un geste ou une posture ainsi que les caractéristiques des moments/événements qui déclenchent et initient ce passage (tension, résilience, transition)" (Lameul 2016, p. 145).

Un test pour se positionner parmi cinq postures

Pratt & Collins proposent un test en ligne (n.d.) permettant aux enseignants de se positionner parmi 5 postures, ou "perspective d’enseignement", différentes "en fonction de leur tendance à donner plus ou moins dimportance à lun ou lautre des éléments suivants :

  • au contenu,
  • à lapprentissage à partir de situations réelles,
  • au développement des structures cognitives (du plus simple au plus complexe),
  • au processus de formation plus quau résultat,
  • ou à lenseignement comme vecteur de changement social : transmission, apprentissage, développement, sollicitude, réforme sociale" (Lameul 2008).

Le test prend en compte les conceptions à propos de l’enseignement et de l’apprentissage, les intentions et les actions. Il est ainsi possible d’évaluer le degré de cohérence interne des perspectives d’enseignement (postures) dans lesquelles on se situe. En cas d’écart important, il peut être intéressant de réfléchir à ce qui peut expliquer ces différences et comment les réduire.

Une posture n’est pas figée

Le choix même du mot posture "incite […] à envisager la possibilité de "changement de posture"" (Pilorgé 2010).

Par ailleurs, si la posture, façonnée par nos croyances et orientée par nos intentions, exerce une influence directrice et dynamique sur nos actions (Lameul, 2006, 2008, 2016), on peut faire l’hypothèse que le mouvement inverse est vrai également, à savoir que les pratiques influencent en retour nos croyances et intentions : "Une […] hypothèse serait qu’il existe une réciprocité cyclique : la posture est influencée par un certain nombre d’éléments contextuels et professionnels (modalités de collaboration avec ses collègues, organisation de l’institution, etc.) qu’en retour, elle-même influence" (Deschryver & Lameul, 2016).

Bibliographie

Acker-Kessler, P. (2015). Posture professionnelle enseignante et développement de l’autonomie dans l’apprentissage des langues : Une approche située. thesis. Strasbourg. Repéré à http://www.theses.fr/2015STRAG056

Bucheton, D., & Soulé, Y. (2009). Les gestes professionnels et le jeu des postures de l’enseignant dans la classe : Un multi-agenda de préoccupations enchâssées. Éducation et didactique, 3(vol 3-n°3), 29‑48. https://doi.org/10.4000/educationdidactique.543

Deschryver, N., & Lameul, G. (2016). Vers une opérationnalisation de la notion de posture professionnelle en pédagogie universitaire. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 32(32(3)). Repéré à http://journals.openedition.org/ripes/1151

Lameul, G. (2006). Former des enseignants à distance ? : Étude des effets de la médiatisation de la relation pédagogique sur la construction des postures professionnelles. thesis. Paris 10. Repéré à http://www.theses.fr/2006PA100011

Lameul, G. (2008). Les effets de l’usage des technologies d’information et de communication en formation d’enseignants, sur la construction des postures professionnelles. Savoirs, n° 17(2), 71‑94.

Lameul, G. (2016). Le développement professionnel des enseignants-chercheurs : Entre recherche et enseignement, l’élaboration d’une posture d’expertise. Habilitation à diriger des recherches. Université Rennes 2 Haute Bretagne ; CREAD. Repéré à https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01496804

Penloup, M.-C., Chabanois, M., & Joannidès, R. (2011). La « posture » : Effet de mode ou concept pour la didactique du français ? Dans Y. Reuter & B. Schneuwly, Les concepts et les méthodes en didactique du français (AIRDF-Presses universitaires de Namur, pp. 151‑174). Namur, Belgique : (s.n.).

Pilorgé, J.-L. (2010). Un lieu de tension entre posture de lecteur et posture de correcteur : Les traces des enseignants de français sur les copies des élèves. Pratiques. Linguistique, littérature, didactique, (145‑146), 85‑103. https://doi.org/10.4000/pratiques.1513

Pratt, D. D. (1998). Five Perspectives on Teaching in Adult and Higher Education. (S.l.) : Krieger Publishing Co.

Pratt, D. D., & Collins, J. B. (n.d.). Teaching Perspectives Inventory. Teaching Perspectives Inventory. Repéré à http://www.teachingperspectives.com/tpi/

Natacha Seigneuret, Sophie Paris, Thierry Soubrié, Nordine Hocine, tous formés à la créativité, ont dialogué avec l'assemblée sur la posture de l'enseignant dans le supérieur.

Publié le  3 décembre 2019
Mis à jour le  5 décembre 2019